• Pétrole… Tout le Monde Raffine!

    Pétrole… Tout le Monde Raffine!

    POSTÉ LE MAI 29, 2015PAR DANS NEWS, NOS INVITÉS, RÉFLEXIONS ET ANALYSES

    Le Kung-Fu, comme bien d’autres arts martiaux, dépend d’une excellente préparation, de concentration et de la capacité à saisir l’opportunité de vaincre votre adversaire. Il faut attendre le moment optimal pour frapper ! Nous autres traders aimons croire que c’est ce que nous faisons… Quand on n’est pas entrain de se comparer à Superman ou Dark Vador bien sûr…

    Les raffineurs, par contre, sont des gens sérieux ; ils ne font pas de comparaisons aussi arrogantes. Pour eux, pas de fantaisie ou de rêves… leur industrie est très bien rodée et expérimentée, très concentrée, il y a plein de brut pas cher et les marges sont excellentes. Ils ont donc saisi l’opportunité de vaincre en maximisant la production ! Comme le disait la chanson des années 70 :

     

    Tout le monde raffine de la gazoline aussi vite que l’éclair parce que le marché a rarement été aussi favorable aux raffineurs. Si vous produisez du brut, vos options sont limitées. Tout d’abord, le contango sur les contrats futurs a bien diminué et vous incite donc moins au stockage. Ensuite, tous les autres maximisent la production et essaient d’augmenter leur part de marché.

    Même le Venezuela vient d’annoncer qu’il va essayer d’augmenter sa production. Le monde est plein de cargos invendus qui cherchent bon port, et certaines qualités se traitent même moins cher que leur prix de vente officiel. Donc si vous ne pouvez pas stocker, la seule alternative est de vendre vos barils à un raffineur. Les marges sont excellentes, et les raffineurs profitent bien de la situation.

     

    Le camp des Bulls est très excité par ce développement, et il vous dira que son timing est impeccable. Les prix du pétrole étaient en baisse, et ils espèrent endiguer ainsi la chute. Le raffinage US tourne à un niveau haut pour la saison et absorbe plus de pétrole. D’ailleurs, les stocks de brut ont encore baissé de 2.8 millions de barils. Si l’on prend en compte la situation au Moyen Orient, les prix pourraient bientôt reprendre leur inexorable marche vers les sommets. Malgré tout, les Bulls sont quelque peu inquiets parce que leur vieil ami, le sentiment du marché, semble faire une pause.

     

    Chez les Bears, on a passé une semaine plutôt bonne et l’on pense vraiment que les Bulls ont raison d’avoir peur. Comme vous le savez, nous nous inquiétions du cargo Iranien qui se dirigeait vers le Yémen avec son escorte. Bien que certains s’attendaient, ou même espéraient une confrontation, tout le monde a gardé la tête froide. Le « Iran Shahed » a accepté de se faire inspecter par l’ONU à Djibouti, et comme souvent, il ne s’est rien passé. Sans débattre pour autant la sagesse d’investir sur la base de l’attente de l’inattendu, je me sens obligé de faire remarquer que les Bulls poussent le facteur Iranien depuis 2003. Combien de fois peut-on crier au loup avant que le marché ne réalise que la probabilité d’une confrontation reste minime.

     

    Le manque de nouvelles du Moyen-Orient fut donc bienvenu pour les Bears, mais pas autant que l’augmentation de la production US de brut. La semaine dernière, la production en Alaska a chuté de 122,000 barils jours, avant de récupérer 95,000 barils. Plus important encore, la production dans le reste des US a bondi de 209,000 barils jours pour arriver à un total de 9,566 millions de barils jour pour le pays. La production est-elle motivée par la montée des prix ? Le « Fracklog » de puits forés mais qui ne produisent pas encore a-t-il montré le bout de son nez ? Ou s’agit-il de nouvelle production déjà programmée ? Ce qui compte vraiment c’est que la notion selon laquelle la baisse des prix a fait son travail et que le marché peut maintenant remonter a pris un coup de semonce.

     

    Pour ceux comme nous qui aiment la volatilité, la semaine a aussi été bonne vu que nous avons pris les bonnes décisions. Sur le front directionnel, le rally du Dollar semble suivre la chute du prix du pétrole, les deux étant très corrélés en ce moment. Le WTI n’a pas réussi à franchir la moyenne des 200 mois à US$ 61.22 alors que le Brent se bat pour se maintenir au-dessus de la sienne à US$ 63.11. En même temps, le sentiment semble déserter la hausse, et les fondamentaux ont pris une tournure encore plus bearish. Certaines informations rapportées par l’EIA semblent un peu confuses, mais les valeurs relatives se conduisent clairement avec logique. Cela vaut donc la peine d’analyser ces informations de manière plus approfondie que d’habitude.

     

    Au premier abord, une baisse des stocks de 2,8 millions de barils peut sembler favorable au prix, et ils remontent tant bien que mal après le rapport. Nous pensons que c’est temporaire et qu’il recommencera à baisser. Globalement, cette baisse des stocks n’est pas assez grande pour alléger le surplus existant, et elle est constante depuis quelques semaines. Avec l’augmentation du raffinage de 237,000 barils jour et la baisse des imports de 477,000 barils jours, la baisse des stocks aurait du être plus prononcée si c’était sans compter l’augmentation de la production domestique de 304,000 barils. Et c’est là que se trouve la nouvelle du jour. En faisant remonter les prix, les Bulls semblent s’être tiré une balle dans le pied en motivant plus de production.

    Au vu de ce qui s’est passé jusqu’ici, je pense devoir réviser mes prédictions pour le reste de l’année. A l’origine, j’avais prédit que la baisse des prix durerait assez longtemps pour rapidement réduire la production et ainsi amener le marché à repartir à la hausse pendant la seconde moitié de l’année. Clairement, en essayant d’acheter les plus bas, le raz de marée d’investisseurs a interrompu ce processus et motivé plus de production.

    Je pense donc fortement que la situation va empirer pendant la seconde moitié de 2015. Au plus tard, je pense que la fin de la saison de la gazoline et la période de maintenance d’automne provoqueront le retour d’énormes augmentations de stock. En conséquence, le marché ira vers les US$ 40 et il y a une plus grande probabilité que le Brent atteigne les plus bas de 2008 à US$ 36.20. Bien entendu, si le marché le réalise avant, cela pourrait arriver plus vite, mais donc voilà, nous pensons que l’amélioration attendra la première moitié de 2016.

     

    Sur les valeurs relatives en Brut, nous avons une fois de plus correctement prédit les mouvements du Brent-WTI qui se trouve maintenant à US$ 4.80 et nous continuons à les voir converger. Comme nous l’avons répété plusieurs fois, la situation du WTI est bien connue, et nous avons l’opportunité de l’analyser de manière hebdomadaire grâce à l’EIA. Tant que la saison de la gazoline est là, la situation du WTI va s’améliorer, même si cette amélioration reste marginale et insuffisante. Le Brent par contre fait face à tant de problèmes potentiels que nous ne pouvons-nous résoudre à le supporter contre le WTI.

    Tous les producteurs, OPEP et Venezuela inclus, augmentent la production, et l’Iran reviendra éventuellement. Donc, jusqu’à ce que la situation US change, le Brent sera la victime parmi eux. Du côté des time-spreads, nous quittons la ligne de touche pour vendre l’Aout Septembre. Le Brent à -0.45 et le WTI à -0.15 semblent offrir un excellent rapport risque/profit.

     

    Les stocks de distillats ont augmenté de 1.12 millions de barils et la situation semble inciter à l’ennui. Comme nous l’avions prévu, les marges ont perdu US$ 2 par baril et traitent maintenant à US$ 21, ayant même traité vers les US$ 20. Nous nous attendons à ce que cela continue et que nous allions au-dessous d’US $ 20 et que le contango sur les spreads s’accentue dès maintenant.

     

    Les stocks de gazoline ont baissé de 3.31 millions de barils sans pour autant secouer le marché. Les marges ont également baissé ici et avant le rapport traitaient à US$ 24. Bien qu’elles soient remontées à 25.20, nous pensons qu’elles manquent d’énergie à cause de la production de gazoline qui a atteint 10.16 millions de barils la semaine dernière et des imports de 775,000. Les US produisent donc un million de barils de plus qu’ils ne consomment à 9,774 millions de barils jour. D’ailleurs, la baisse des stocks était entièrement due à la baisse des composantes de blending et non au produit fini. Les US sont donc bien approvisionnés et les marges en souffrent.

     

    Ca raffine très fort, et des marges fortes encouragent ce phénomène. On ne manquera pas de produit, et le raffinage sera donc sous pression. Il y aura des moments où les marges remonteront, et ce sera une opportunité de les vendre plutôt qu’autre chose.

     

    Vous trouverez ici-bas nos graphes habituels. Ils représentent l’évolution des stocks de brut, gazoline et distillats (heating oil, diesel et jet fuel), ainsi que les niveaux de raffinage. Ces graphes montrent l’année en cours par rapport au plus haut/ plus bas des cinq années qui la précèdent. Ils sont publiés par l’EIA de manière hebdomadaire, et sont utilisés par les traders pour analyser l’offre et la demande. L’échelle est en milliers de barils sur les 52 semaines qui composent l’année.

    1

    US Commercial Crude Stocks… Steadily down… but for how long? (Source: EIA)

    2

    US Refining… Soaring! (Source: EIA)

    3

    Distillates Stocks… Ho-hum…(Source: EIA)

    4

    Gasoline Stocks Decreasing? (Source: EIA)

    Mohab Kamel

    Fund Manager

    E-Mail: mkamel@magmaoil.com


     

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