• Gaz de schiste : en Pologne, les compagnies espionnent les habitants

    Gaz de schiste : en Pologne, les compagnies espionnent les habitants

    Les compagnies qui investissent dans les gaz de schiste en Pologne espionnent les communautés locales qui craignent l’impact de l’exploitation de cette ressource sur l’environnement.

    Le journal Dziennik Gazeta Prawna a réussi à obtenir un rapport de l’une de ces sociétés. Ce rapport aurait été initialement adressé au vice-ministre des Affaires étrangères qui après avoir indiqué sa propre position sur cette question, l’aurait directement communiqué au Chef de la Chancellerie du Conseil des Ministres Tomasz Arabski, au Directeur Adjoint de l’Agence de Sécurité Intérieure, ainsi qu’au Vice-Ministre de l’Intérieur chargé de superviser la police.

    L’additif au rapport signé par la secrétaire d’Etat Beata Stelmach apparaît en ces termes :

    • "Le Ministère des Affaires étrangères a reçu de l’une des sociétés opérant dans le secteur de l’énergie, société engagée dans l’exploration de gaz naturel de schiste (en Pologne), une copie de l’enregistrement des discussions d’associations anti-gaz-de schiste (...).
    • Le contenu de l’information ci-jointe indique une radicalisation significative des positions des ONG par rapport aux gaz de schiste", commente Mme Stelmach.

    Ce rapport de cinq pages communiqué au ministère des Affaires Étrangères, relate des discussions qui ont eut lieu début août dernier (2012) dans l’un des hôtels de Leba (station balnéaire du bord de la Baltique). A ces discussions ont notamment pris part des représentants d’associations actives dans la voïvodie de Poméranie mais aussi des agriculteurs non engagés.

    Au début du document, un rapport de chaque participant est minutieusement dressé. Par exemple :

    • "Ilona Olszewska - le problème de l’énergie éolienne – une grande dame mince, cheveux courts noirs, gentille, ne se prononce pas, (...) Werner Rudkowski, un agriculteur, a accusé Geofizyka d’intrusion sur sa terre ». Le rapport relate ensuite des prises de position conflictuelles entre les participants.

    La fin de ce document relate les grandes décisions prises lors de cette réunion : créer un centre de coordination des actions, interpeler les députés, informer le médiateur chargé des affaires citoyennes, demander des rapports sur l’impact sur l’environnement.

    "Les participants ne veulent pas que leurs terres soit déclassées en zones minières. Ils sont aussi conscients de l’étiquette d’« écofanatiques », de « suppôts à la solde de la Russie et de Gazprom » qui leur est attribuée", commente en conclusion l’auteur de ce rapport à l’attention du Ministère des Affaires étrangères.

    "Je suis très choquée. Nous ne savions pas qu’il y avait parmi nous une personne déléguée par une compagnie. Cette personne n’a pas participé à la discussion, alors que cette réunion était ouverte au public", déclare à notre rédaction Monika Gałasiewicz, co-organisatrice de la réunion, qui grâce à nous, vient de prendre connaissance de l’existence de ce rapport.

    Pour justifier sa contribution dans la diffusion restreinte de ce rapport, le Ministère des Affaires Étrangères donne l’analyse suivante :

    « Prenant en compte le fait qu’il y a là une volonté délibérée d’enfreindre l’ordre public et la sécurité intérieure, nous avons trouvé utile de transmettre ce rapport aux autorités compétentes (Agence de Sécurité Intérieure, Agencja Bezpieczeństwa Wewnętrznego ABW, Ministère de l’Intérieur, MSW - ndlr)", commente le service de presse du ministère.

    L’ABW et la direction des Polices ont confirmé auprès de notre journal DGP la réception par leurs services du fameux rapport. Ils ont refusé néanmoins de communiquer les suites données à ce courrier en terme de décisions.

    L’un des policiers a expliqué de manière anonyme :

    • "Nous sommes aptes à intervenir dans des cadres opérationnels dès lors qu’il s’agit de la sécurité énergétique de l’Etat."

    Euro-député à PO (Plateforme Civique) mais aussi co-organisateur de la réunion de Leba, Boguslaw Sonik ne cache pas son amertume :

    • "Dans une lettre sonnant comme une directive, le Ministère des Affaires étrangères avait invité le Ministère de l’environnement à entreprendre enfin une vaste campagne de sensibilisation auprès des autorités et collectivités locales.
    • Il serait bien dommage que cela se termine par des voeux pieux et qu’en définitive des actions de police contre la population fassent office de dialogue."

    Traduit du polonais par Gérard Lemoine.

    Article en polonais : Gazeta Prawna


     

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