• Les projets pétroliers russes en Arctique 2

    Nous poursuivons notre discussion avec le directeur adjoint de la science « l’Arctique et l’océan mondial », responsable du laboratoire Shelf de l’Université d’Etat russe de pétrole et de gaz, docteur des sciences techniques, le professeur Vassili Bogoïavlenski.

    Aujourd’hui, nous parlerons de l’Arctique. La dernière fois nous nous sommes arrêtés avec vous sur les informations concernant l’exploitation du plateau arctique. Pourriez-vous nous présenter ces chiffres, c’est toujours plus convaincant.

     5.12.2011,
     

    © Flickr.com/BenChenowethWork/cc-by-nc
       

     


     Je ne parlerai pas seulement en chiffres concrets, car ce serait fastidieux et on pourrait s’y perdre. La conquête du plateau arctique en termes d’une réelle exploitation dans les eaux a commencé en 1986 sur le plateau nord de l’Alaska. Dans cette région a été découvert Prudhoe Bay, l’un des plus grands gisements du monde.

    Il possède plusieurs satellites, dont une partie s’étend vers le plateau. De plus, il y existe plusieurs autres gisements. Selon les informations de cet été, 9 gisements pétrogaziers marins sont en exploitation. Un autre gisement est exploité depuis 4 ans sur le plateau de la mer de Barents.

    Il s’agit du gisement Snohvit, qui se traduit comme Blanche Neige, dans la zone maritime de la Norvège. Et un autre gisement se trouve en Russie: l’estuaire de Taz.

    Dans les eaux douces, si je comprends bien.

    En effet, ce sont les eaux douces. Il s’agit des baies très larges qui atteignent 40-50 kilomètres, à tel point qu’on ne voit pas toujours la rive de l’autre côté. En principe, ce territoire est considéré comme une partie de la mer de Kara, bien que l’eau douce soit présentée en raison de l’afflux des fleuves.

    En 2003, on y a commencé l’exploitation d’un gisement qui est situé en partie sur terre, et en partie sous l’estuaire de Taz. La majeure partie des ressources, près de 90%, se trouvent sous l’eau. Ainsi, on peut dire que c’est un gisement marin.

    Il s’agit du gisement Yurkharovskoe exploité par la société Novatek qui, au cours des dernières années, accroît activement sa production de pétrole et de gaz. Nous avons comparé les taux de production à Yurkharovskoe avec d’autres gisements arctiques, et il s’est avéré que l’année dernière sur le gisement Yurkharovskoe, en recalculant la production de gaz et de condensats en équivalent pétrole, la production a été supérieure par rapport à tous les autres pays du plateau arctique.

    Quelle en est la raison?

    Tout d’abord, la Russie possède des provinces très riches en pétrole et en gaz. Dans le cas présent, cela concerne la région nord de la province pétrogazière de Sibérie occidentale. On y a découvert toute une série de gisements uniques, que l’on peut parfois trouver à l’étranger, mais la Russie possède un grand nombre de tels gisements.

    Le champ Yurkharovskoe fait partie de cette catégorie. Ses réserves atteignent près de 450 milliards de mètres cubes et environ 30 millions de tonnes de condensat. Ce gisement est immense.

    Je pense que ces chiffres impressionnent même un auditeur non éclairé. En effet, la richesse du nord arctique de la Russie est incomparable avec d’autres régions.

    Et c’est probablement l’une des particularités de sa richesse. Toutefois, cette région est sensible en raison des glaces et de la dépendance du climat. Il est également question de l’environnement et du grand projet de la Route maritime du Nord.

    Absolument. Les gisements sur le versant nord de l’Alaska sont exploités à partir des îles artificielles ou des flèches de sable dans les eaux peu profondes en forant des puits inclinés ou horizontaux. C’est l’une des approches les plus sécurisées écologiquement parlant.

    Et la Russie fore des puits verticalement?

    Ce n’est pas le problème du forage, mais des technologies utilisées. Evidemment, en Arctique, où les glaces sont présentes la majeure partie de l’année, il est nécessaire de construire des structures très résistantes aux glaces.

    Tel est le cas de la plateforme gravitationnelle comme Prirazlomnoe, qui sera installée prochainement. Mais la méthode la plus sécurisée consiste à exploiter les gisements situés près des côtes en forant les puits horizontalement depuis la surface.

    Des dizaines de puits de ce genre ont déjà été forés à Sakhaline sur les champs Chayvo et Odoptu. Et les mêmes puits ont été forés dans l’estuaire du Taz. Pour cette raison, la société Novatek a utilisé des technologies novatrices. Et elle reçoit d’importants flux de gaz à travers ces puits horizontaux. Et, je le répète, avec un préjudice minimal pour l’environnement.

    J’entends rarement que les technologies modernes existent dans le Nord et qu’elles infligent un préjudice minimal à l’environnement. Quels autres dangers existent-ils pour l’Arctique d’un point de vue de préservation de sa couche extérieure fine?

    A quel point la fonte des glaciers peut influer sur l’environnement de cette région, car des gens y habitent, on y construit des communications, une certaine infrastructure et tout cela est très difficile? D’ailleurs, les brise-glaces y passent également.

    Toute ingérence de l’homme est plus ou moins dangereuse. Cela dépend bien sûr de l’ampleur de cette ingérence. S’il s’agit des voyageurs à destination du Pôle Nord, comme on voyageait avant avec les traineaux à chiens, c’est un préjudice minime.

    S’il est question des brise-glaces puissants qui voyagent constamment dans diverses directions aussi bien à des fins scientifiques que touristiques, évidemment cela représente un certain préjudice de par la destruction des glaces, ce qui accélère leur fonte.

    En accélérant la fonte des glaces, nous influons également sur les processus naturels en accélérant le changement climatique de la planète.

    Ce qui est inévitable. L’accompagnement des brise-glaces est nécessaire pour entretenir la Route maritime du Nord qui permet de réaliser une immense économie. La distance entre l’Europe du Nord et la Chine est tout de même réduite jusqu’à 34%.

    Indéniablement, la Route du Nord et plus courte que la Route du Sud. De plus, les pirates somaliens ne sont pas présents dans le nord, or il est nécessaire de payer une escorte pour accompagner les navires navigants par la Route du Sud.

    Toutefois, en Arctique il est nécessaire de payer pour l’accompagnement des brise-glaces. Et cela représente une somme commensurable, comme dans le sud. Ainsi, il existe encore beaucoup de questions irrésolues.

    Les collègues chinois, vos homologues, ont récemment déclaré lors d’une conférence de presse que l’utilisation active et intégrale de la Route de Nord était pour l’instant impossible, car l’humanité ne possédait pas les technologies qui rendraient ce transit du nord rentable. Quel est votre avis?

    Ce point de vue est discutable. Le fait est que la Russie dispose d’immenses réserves grâce aux gisements pétrogaziers existant en surface. Et elle peut se passer des gisements sur le plateau arctique pendant encore de nombreuses années.

    Sur ce plan, j’estime que les retards sur le gisement de Prirazlomnoe et le champ de Chtokman sont plutôt positifs que négatifs. Nous n’avons pas besoin de nous presser. Il vaut mieux aborder la question soigneusement en choisissant les meilleures technologies.

    Autrement dit, ce déplacement possible des centres d’exploitation des matières premières stratégiques, qui pourrait entraîner une surconcentration de gaz entre l'Asie et l'Europe, n'est pas inquiétant pour nous? Parce que la Russie a des capacités d'exploitation en mer et en surface.

    Je parlais principalement de la production de pétrole et de gaz. En ce qui concerne la Route du Nord, il est possible de l'utiliser. Je ne suis pas d'accord avec les Chinois sur ce point, car elle était déjà utilisée auparavant, et l'année dernière, et peut être utilisée à terme si la température ne commence pas à diminuer, ce qui pourrait se produire.

    Voulez-vous parler des changements climatiques? Aujourd'hui, tout le monde parle du réchauffement, mais nous sommes conscients que ce réchauffement fait partie d'un cycle climatique plus large et global. Il y a aussi la question du prix de l'ingérence de l'homme avec ses technologies et ses moralités contemporaines dans les zones aussi fragiles et aussi riches, telles que l'Arctique, le plateau arctique…

    Mais nous avons encore rien dit de ce qui était l'Arctique. L'Arctique, ce n'est pas seulement la mer, mais également la terre. Et nous travaillons en surface depuis des décennies, et pratiquement tout le gaz produit en Russie, qui est le principal pays producteur de gaz, est extrait en surface. Et comme on peut le voir, aucune catastrophe n'est survenue pour l'instant, même si quelques légers problèmes locaux surviennent parfois.

    En ce qui concerne le plateau, il va progressivement remplacer les gisements terrestres qui s'épuisent peu à peu.

    C'est donc une question de perspective lointaine?

    Oui, et c’est la bonne solution.

    La Russie a-t-elle des partenaires pour l'exploration et le développement de l'Arctique? Si oui, qui sont-ils? Si non, qui voudrait le devenir?

    Toutes les plus grandes compagnies étrangères veulent y participer. De plus, beaucoup de compagnies souhaiteraient également travailler sur le plateau arctique, notamment la société Lukoil.

    Je voudrais féliciter cette société qui a effectué récemment une remise à niveau en Norvège où elle a été admise à l'exploration du plateau en Norvège, aussi bien le plateau sud de la Norvège de la mer du Nord et de la mer de Norvège, que du plateau nord de la mer des Barents.

    L'activité de haute technologie, telle que la production des hydrocarbures, y compris sur le plateau arctique, est impossible sans la coopération internationale. Qu'ajouteriez-vous à la phrase "l'Arctique : un territoire de dialogue"?

    La confrontation ou la coopération. Nous choisissons la seconde option.

    *******************

    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , ,