• Les pétroles offshore et "non conventionnels" n’empêcheront pas le pic pétrolier

    Les pétroles offshore et "non conventionnels" n’empêcheront pas le pic pétrolier

    Les nouvellles découvertes ne compensent qu’à moitié la consommation pétrolière : le déficit s’annonce donc inévitable. Le plafonnement de la production se produira d’ici 2020.

    Pierre-René Bauquis - 12 mai 2012


    Depuis plusieurs dizaines d’années, nous assistons à des batailles d’experts pour savoir si les productions mondiales de pétrole vont atteindre un niveau maximum, à quel moment et à quel niveau. C’est la querelle dite du "peak oil" (pic de production).

    Essayons d’y voir clair dans ce débat, clé pour notre avenir. Pour cela il faut tout d’abord rappeler quelques points fondamentaux.

    De 2000 à 2011, la part du pétrole au sein des énergies primaires est passée de près de :

    • 40 % à 34 %,
    • celle du gaz de 22 % à 24 %,
    • et celle du charbon de 23 % à 26 %.

    Le total des énergies fossiles carbonées est donc resté presque constant, passant de 85 % à 84 % du total.

    L’incapacité du secteur pétrolier à faire croître ses productions au rythme de la demande potentielle s’est confirmée en 2011.

    Cette tendance lourde, apparue en 2003, a eu pour conséquence un rééquilibrage de l’offre et de la demande de pétrole par les prix, celui-ci ayant été multiplié par quatre ou cinq sur la période (en gros [passé] de 25 à 125 dollars le baril).


    ÈRE DES PÉTROLES DIFFICILES


    Le pétrole n’est plus le régulateur physique des variations de la demande énergétique mondiale.

    Cette relative inélasticité au prix de l’offre pétrolière mondiale depuis le début des années 2000 signifie que nous sommes sortis de l’ère du pétrole bon marché et facile à produire pour basculer dans l’ère des pétroles difficiles et chers, "non conventionnels" :

    • offshores profonds (plus de 500 m) et ultra-profonds (plus de 1 500 m), sables bitumineux, pétroles de roches mères dits "shale oil".

    Ce basculement confirme que nous sommes désormais proches du maximum soutenable de la production pétrolière mondiale.

    Ce "peak oil" devrait se situer vers 2020 (+ ou - 5 ans) et à un niveau de l’ordre de 100 millions de barils par jour (+ ou - 5 mb/j), tous hydrocarbures liquides naturels confondus, en excluant tous les produits de synthèse ou XtL.

    Cette proximité dans le temps rencontre le scepticisme de ceux qui pensent que l’on n’a jamais connu autant de découvertes de gisements nouveaux et une hausse aussi forte des réserves prouvées.

    Mais regardons de près ce que l’année 2011 nous a réellement appris. Comme 2009 et 2010, elle a été rythmée par l’annonce d’excellents résultats dans le domaine de l’exploration, en particulier dans les offshores profonds et ultra-profonds.

    Les plus grosses découvertes ont été faites au Brésil, mais aussi dans le golfe du Mexique, au large de l’Afrique occidentale et même en Guyane française.

    L’exploration à terre a aussi donné lieu à quelques résultats spectaculaires avec la confirmation du potentiel de certains bassins africains internes comme en Ouganda ou au nord du Kenya.

    L’ensemble de ces découvertes pour 2011 peut être estimé à 15 milliards de barils, c’est-à-dire du même ordre de grandeur que les deux années précédentes :

    • 13 en 2009 et,
    • 19 en 2010.

    Ces chiffres sont à comparer à la consommation mondiale annuelle, qui est d’environ 30 milliards de barils, soit... le double de ce que nous découvrons.

    Par ailleurs, 2011 a confirmé l’importance du potentiel de production de certains réservoirs peu perméables au sein de roches mères.

    Aux Etats-Unis, les Bakken Shales auront permis au Dakota du Nord de produire plus de 500 000 b/j fin 2011, faisant remonter la production américaine pour la seconde fois depuis 1970. Grâce à quoi le taux d’importation de pétrole brut des Etats-Unis a diminué de 65 % en 2010 à 60 % en 2011.

    En gros, les Etats-Unis ont produit en 2011 six mb/j contre 10 mb/j en 1970, et auront importé 8 mb/j.


    COMBIEN DE RÉSERVOIRS


    En conclure que le problème du pic mondial n’existe plus du fait de ces nouveaux pétroles , c’est franchir un pas que nous pensons irréaliste.

    La question est de savoir combien on trouvera de réservoirs de ces nouveaux types lorsqu’on en fera la recherche systématique de par le monde. Personne ne connaît la réponse.

    Mais si on trouve dix ou vingt cas analogues au Dakota du Nord sur la planète, cela ne rehaussera le pic que d’environ 5 mb/j et n’en reculera la date que de quatre à cinq ans.

    De plus, il ne faut pas oublier que ces productions de pétrole de roches mères aux Etats-Unis ont bénéficié d’une fiscalité pétrolière très favorable et d’un régime de propriété du sous-sol exceptionnel.

    Outre-Atlantique, le propriétaire du sol est aussi propriétaire du sous-sol et accepte les nuisances car il y trouve son intérêt.

    On peut difficilement extrapoler ces résultats au reste du monde dans lequel l’Etat est propriétaire du sous-sol, tandis que le propriétaire du sol refuse de plus en plus les éventuelles nuisances auxquelles il peut être soumis sans en tirer aucun bénéfice (même lorsque ces nuisances sont largement imaginaires).

    Par ailleurs, l’augmentation des réserves mondiales prouvées pour les trois dernières années provient essentiellement du transfert comptable de ressources connues depuis plus de cinquante ans (pétrole ultralourd et bitumes de l’Orénoque au Venezuela et de l’Athabasca au Canada).

    Au total, l’observation de ce qui s’est passé en 2011 ne modifie pas le fait que nous allons devoir faire face à un plafonnement de la production pétrolière mondiale vers 2020, à un niveau proche de 100 mb/j.

    Grace aux pétroles non conventionnels, ce pic aura très probablement la forme d’un plateau ondulé, comme l’avait prédit en 2009 Yves Mathieu, géologue de l’Institut français du pétrole.


    Source : lemonde.fr

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