• L'attaque de Gazprom par l'UE peut faire augmenter les tarifs européens du gaz

    L'attaque de Gazprom par l'UE peut faire augmenter les tarifs européens du gaz
    L'attaque de Gazprom par l'UE peut faire augmenter les tarifs européens du gaz
    16:27 06/09/2012
    Par Maria Selivanova, RIA Novosti

    L'enquête sur l'activité de la compagnie Gazprom en Europe pourrait entraîner non seulement des sanctions contre le plus grand fournisseur de gaz, mais également constituer une raison pour revoir les contrats à long terme pour la fourniture de gaz dans plusieurs pays européens, déclarent les experts.

    Toutefois, cette décision ne risque pas tant d'être préjudiciable pour le géant gazier que pour les acheteurs de gaz en Europe.

    La Commission européenne (CE) pourrait élargir la zone de vérification de l'activité de Gazprom en Union européenne, a annoncé le 5 septembre aux journalistes le porte-parole de la CE.

    La compagnie russe est soupçonnée d'avoir enfreint la législation anti-monopole de l'UE. Et en particulier l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui définit les actions identifiées comme abus de position dominante sur le marché pour influer sur le commerce entre les pays de l'UE.


    Les perquisitions n'ont pas suffi


    Actuellement, l'enquête est en cours dans huit pays d'Asie centrale et orientale: en Pologne, en République tchèque, en Slovaquie, en Hongrie, en Bulgarie, en Estonie, en Lettonie et en Lituanie.

    "Il est possible que d'autres pays de l'UE puissent être inscrits sur la liste de l'enquête si de nouvelles informations faisaient surface", a déclaré le porte-parole de la CE.

    La Commission européenne enquête sur trois cas de violation des règles de la concurrence en Europe centrale et orientale, déclare le communiqué de la CE.

    • Premièrement, Gazprom a supposément divisé les marchés du gaz en rendant plus difficiles les fournitures libres dans les pays de l'UE.
    • Deuxièmement, la compagnie empêchait probablement une diversification des fournitures de gaz.

    Enfin, le géant gazier aurait pu fixer des tarifs injustes pour ses clients en les associant aux cours du pétrole.

    Il ne s'agit pas du premier cas d'ingérence de la CE dans la question gazière. En septembre 2011, les représentants de la CE ont procédé à des perquisitions dans plusieurs compagnies européennes associés à Gazprom.

    Ces compagnies étaient chargées de la fourniture, du transfert et du stockage du gaz. A l'époque, la CE soupçonnait les filiales de la compagnie russe d'entente sur les prix et de violation de la législation antitrust.


    Ce que risque Gazprom


    Le marché boursier a immédiatement réagi à l'annonce de la Commission européenne. Depuis la matinée du 5 septembre, les actions de Gazprom ont perdu 1,1%, tandis que l'indice MICEX n'est descendu que de 0,4%. Hier soir, ses actions valaient déjà 1,5% de moins que la veille.

    Mais selon les experts, les conséquences pourraient être bien plus graves pour la compagnie.

    D'abord, si les soupçons de la CE se confirmaient, Gazprom pourrait devoir payer une amende allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaire annuel sur la vente du gaz dans le pays où les infractions ont été commises. D'après le bénéfice de la compagnie sur la vente de gaz à l'étranger, l'amende pourrait s'élever à 4 milliards de dollars.

    S'il était prouvé que la compagnie a transgressé la législation de l'UE pendant plusieurs années, le montant de l'amende pourrait aller jusqu'à 30% du chiffre d'affaires annuel.

    © RIA Novosti.

    Ensuite, les principes de formation des tarifs de Gazprom sur le marché européen et pour certains pays en particulier pourraient changer.

    "La CE constate que la Russie fournit son gaz aux pays européens à des tarifs différents et offre des remises à certains partenaires, déclare à RIA Novosti Vitali Krioukov, analyste d'IDF Capital.

    Par exemple, les Européens ne comprennent pas pourquoi des remises ont été refusées à la Pologne et à la Lituanie, tandis que l'Allemagne et l'Estonie en bénéficient." Par conséquent, la Commission européenne pourrait exiger d'adopter un principe unique d'établissement des tarifs, estime l'expert.

    Certains pays ont même pu obtenir une réduction des tarifs du gaz. En janvier 2012, Gazprom a annoncé qu'en s'appuyant sur les conditions du marché, il avait modifié le tarif du gaz dans ses contrats avec GDF Suez (France), Wingas (Allemagne), SPP (Slovaquie), Sinergie Italiane (Italie) et Econgas (Autriche). Le tarif a été réduit d'environ 10%. En mars, Eni, puis E.On ont également réussi à obtenir une baisse des tarifs.

    Le gaz en tant que produit indépendant

    L'exigence de "dissocier" le tarif du gaz des cours du pétrole pourrait être la troisième conséquence de l'enquête de la Commission européenne.

    "Depuis quarante ans, le tarif du gaz est calculé à partir du cours du pétrole, mais le marché a changé depuis ce temps, explique Vitali Krioukov. Aujourd'hui, le rôle du charbon croît sur le marché européen. Pourquoi ne pas associer une partie des fournitures de gaz sur certains marchés au charbon? Le prix du gaz serait alors plus bas."

    Il est évident que le pétrole et le gaz représentent des marchés différents. "Il existe des facteurs qui influent sur le tarif du pétrole, par exemple, le risque de perturbations de livraisons en provenance d'Iran, mais cela n'affecte pas le marché du gaz, déclare l'expert. Pourquoi le tarif du gaz devrait augmenter en raison des perturbations éventuelles liées au pétrole?"

    "Si l'association du tarif du gaz à celui du pétrole est injuste, cela signifie que l'UE estime que le tarif du gaz ne doit être associé à aucun autre hydrocarbure, déclare Konstantin Simonov, directeur de la Fondation de sécurité énergétique nationale. En associant le tarif du gaz à celui du charbon, on arriverait à la même chose."

    De toute évidence, il n'existe qu'une seule solution:

    • faire du gaz un produit indépendant qui serait vendu séparément. "Dans ce cas, il faut avoir un nombre suffisant de plateformes commerciales, et surtout – un marché gazier à part entière, comme aux Etats-Unis, déclare Konstantin Simonov. Mais les USA, c'est un pays intégralement relié par des gazoducs, il y a d'innombrables pipelines, l'infrastructure est parfaitement développée et il existe la possibilité de faire acheminer le gaz d'un coin du pays à l'autre."

    Quant à l'UE, elle n'a même pas la possibilité technique de le faire à l'heure actuelle. L'Union européenne ne dispose pas de l'espace "gazier" commun, le nombre de terminaux GNL (où le gaz naturel liquéfié peut être stocké) est insuffisant, ce qui constitue le fond du problème explique Konstantin Simonov.

    Les contrats à long termes en suspens

    "Le principal objectif de la CE est de faire pression sur Gazprom afin de revoir les contrats actuels à long terme", déclare Konstantin Simonov.

    La CE part de l'hypothèse qu'elle entre dans une période très avantageuse, car il va y avoir un surplus de gaz sur le marché, et les Européens pourraient ainsi dicter leurs conditions à Gazprom.

    "L'Union européenne s'attend à l'apparition imminente de gaz de schiste bon marché en provenance d'Amérique du Nord, mais il n'est pas du tout garanti qu'il sera vendu en quantité suffisante en Europe", suppose Konstantin Simonov.

    Auparavant, le Qatar fournissait beaucoup de gaz en UE, mais ce pays a adopté un moratoire sur l'augmentation des fournitures jusqu'en 2014. Il est actuellement impossible de compter sur le gaz iranien en raison des relations tendues entre l'UE et l'Iran. Le gaz turkmène passe par la Russie. Il n'existe donc aucun gaz disponible pour l'Europe qui ne soit pas russe, conclut Konstantin Simonov.

    S'il s'avérait finalement qu'il n'y a aucun surplus de gaz, et que le système des contrats à long terme avec l'UE était rompu, les contrats à court terme sur le gaz pourraient s'avérer plus chers pour l'UE que ne l'est aujourd'hui le gaz russe.



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